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Extrait   |   Extrait 2

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La Vieille avait, hier encore, attrapé un gros merle qui s’était laissé piéger. Il était encore vivant quand elle l’avait aperçu dans l’herbe devant la maison, le corps agité des soubresauts de l’agonie. Elle lui avait serré le cou avec la même délectation qu’elle aurait serré celui du déserteur si elle l’avait pu. Les souvenirs terribles lui revenaient, les mêmes images encore et toujours... Marie, sa fille, qui était rentrée à la maison un soir de pluie, les cheveux dégoulinants, la robe déchirée jusqu’à la taille, les yeux fous et ces seuls mots qui sortaient de sa bouche tremblante : maman, maman, j’ai peur... maman, sauve-moi. La Vieille – mais elle n’était pas encore vieille en ce temps – avait aidé sa fille à ôter sa robe pleine de boue et d’herbes. Le visage de Marie était rouge et bouffi de pleurs. L’œil gauche était à moitié fermé. La pommette droite, contusionnée, saignait. Le cou était marqué de meurtrissures bleuâtres. La Vieille avait lavé Marie dans le même baquet où elle lavait la Grinche maintenant. Entre les jambes de la jeune fille, il y avait un mince filet de sang séché. Maman, j’ai peur... sauve-moi...




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